mnmlist : La société, réimaginée

Traduction de http://mnmlist.com/reimagined/.

Des fois je me demande si la société pourrait être très différente, complètement redessinée.

Il découle de ma conviction qu'à un moment donné de notre histoire, nous avons autorisé qu'on nous détourne de ce qui est important — les gens — et qu'il y ai à la place le profit, les corporations, la productivité et le consumérisme au premier plan de chaque chose que nous faisons.

Nous somme devenus des travailleurs focalisés sur la productivité, parce que nous avons besoin de gagner notre croûte, pour que nous puissions … acheter des choses (y compris des divertissements). Cela inclu une voiture, dont on a besoin pour aller travailler et faire les courses. On a besoin d'envoyer nos enfants à l'école, afin que nous n'ayons pas besoin de nous en soucier quand on va au travail, et afin que quand ils soient grands ils deviennent de bons travailleurs. Nous avons besoin d'acheter de la nourriture à emporter ou de la nourriture pratique, parce qu'on est trop occupés ou fatigués pour cuisiner à cause du travail.

On est devenus gras, fatigués, malades, endettés, déconnectés de nos enfants et de notre famille, divorcés, isolés de nos voisins. On pollue et on contribue au réchauffement climatique, tout ça au nom de l'argent, du travail, du profit et de la consommation. Ça m'a l'air fondamentalement cassé.

Mais quelle serait une meilleure façon de vivre ? Une société réimaginée, construite autour des gens et de l'amour pour notre environnement et vivre et travailler et jouer ensemble, un amour du grand air, du jeu et des activités, un amour de l'accomplissement et du temps passé avec les gens au lieu d'acheter des choses et de travailler pour subvenir à ce besoin d'achat.

De quoi aurait l'air une telle société ? J'hésite à mettre ma vision en avant, parce qu'elle ne devrait pas venir d'une seule personne, mais devrait être réimaginée par tous ceux qui la vivront. Néanmoins, je vais présenter un petit aperçu de cette vision, histoire de faire démarrer la conversation.

La voiture, à la casse

Je commencerais par bannir la voiture. C'est supposé nous procurer de la liberté, mais on y est enchaînés avec ses dépenses excessives, l'entretien, les réparations, les pleins, le parking, la pollution etc. Je préfèrerais la liberté de marcher, faire du vélo, et prendre des transports en commun de qualité. Nous récupérerions les routes pour des espaces publics pour la communauté, et redessinerions la vie pour que la plupart de ce que nous avons besoin (nourriture, travail, écoles, jeux, magasins, restaurants, etc) soient à distance de marche ou de vélo, et que les transports en commun soient utilisés pour tout le reste.

Ça signifie qu'on n'aurais plus besoin de longs trajets pour aller travailler. Je propose que beaucoup de gens puissent travailler de chez eux, soit comme entrepreneurs ou créateurs de petites entreprises, ou qu'ils télétravaillent ou collaborent en ligne. Proches de nos maisons, nous aurions aussi besoin de marchés pour la nourriture, les outils et tout le reste, de gens qui confectionnent les habits, la nourriture et les vélos et tout ce genre de choses, sans parler des réparations et de l'entretien de tout dans la communauté. Nous aurions besoin de constructeurs, de musiciens, et de tout ça aussi, mais tout pourrait être fait beaucoup plus proche de nos maisons.

Les écoles, terminées

Je bannirais aussi l'école, au moins telle que nous la connaissons : des institutions qui forcent à apprendre, qui formatent les enfants, leur apprennent à être des travailleurs automatisés au lieu de réfléchir, de créer, d'être des apprentis indépendants. Ce n'est pas une critique des enseignants (que je pense être des saints), mais du système lui-même. Les enfants sont dégoutés de l'apprentissage parce qu'ils sont forcés à être à l'école de 6 à 8 heures par jour, d'être assis à leurs bureaux, à ne pas parler ou jouer avec leurs collègues de classe mis à part à certains créneaux bien définis, de travailler sur ce qui ne les intéresse pas, de mémoriser les choses sans trop y réfléchir… plus ou moins ce qu'on attends de nous pour la majorité de nos vies d'adultes, à moins d'être assez chanceux pour nous sortir de cet état d'esprit.

Comment faire mieux ? Je fais l'école à mes enfants, et je pense que c'est un système beaucoup plus humain, et meilleur si votre but est d'avoir des enfants qui apprennent vraiment, qui aiment apprendre, qui comprennent comment faire les choses eux-mêmes, qui créent et qui sont auto-motivés… peu ou prou ce que j'espère pour mes enfants une fois adultes. Comment on fait ça ? On les aide à trouver des choses qui les intéressent, et on essaie de ne pas les forcer à faire quoi que ce soit. Ils lisent des livres qu'ils trouvent intéressants, travaillent sur des projets qui les amusent, s'enthousiasment sur les choses, font des choses. Révolutionnaire, je sais, mais pas difficile une fois qu'on se sort de l'état d'esprit de l'école. On est toujours en train d'apprendre à leur faire l'école, tout comme nos enfants, mais si ce n'était pas un processus d'apprentissage, ça n'en vaudrait pas la peine.

Donc les enfants pourraient être à l'école à la maison, dans ma société réimaginée, apprenant de leurs parents ou frères et sœurs ou grands-parents, ou tout seul, ou de travailleurs dans leur voisinage qui font des choses qui les intéressent. Ou nous pourrions avoir des centres d'apprentissage, où nos enfants iraient si ils sont intéressés par l'apprentissage de l'art, de la musique, de l'écriture, de l'informatique, de la cuisine, de la construction ou quoi que ce soit d'autre — ils ne seraient pas forcés d'y aller, mais le pourraient si ils en avaient envie. L'école à la maison, soutenue par la communauté, qui supplante le coût de l'école à l'ancienne.

Partage au lieu de consumérisme

Je me débarrasserais des supermarchés et des immenses agro-industries et des aliments transportés par avion sur des milliers de kilomètres. Au lieu de ça, nous ferions pousser notre propre nourriture, directement dans notre potager, ou dans des jardins partagés. On échangerait de la nourriture avec nos voisins — quelques-unes de mes patates douces contre un peu de ton quinoa. Je pense que plus de gens deviendraient végétariens/végétaliens de cette manière, mais ça ne serait pas obligatoire — si tu veux élever tes propres animaux et les tuer, tu peux. Ce système serait bien meilleur pour l'environnement, notre santé, et nous reconnecterait aux aliments et à la nature. Nous mangerions des aliments entiers, non préparés, cuisinés avec saveur. Ça prendrait plus de temps, j'en suis sur, mais la « slow food » n'est pas une mauvaise chose, et si c'est bien fait, ça n'est pas si prenant et long, surtout pour quelqu'un d'habitué.

Je me séparerais des corporations, et mettrais des coopératives à la place. Les corporations sont inhumaines, pilotées par le profit, tellement horribles pour les employés et l'environnement (en général, avec quelques exceptions). Les coopérations sont possédées par les travailleurs, et donc traitent logiquement les travailleurs beaucoup plus humainement. Elles ont aussi moins tendance à violer la terre ou endommager les communautés ou clients. Elles sont simplement une manière plus démocratique et coopérative pour les gens de travailler ensemble.

Je changerais le concept de la maison, d'une manière ou d'une autre. Pour le moment, c'est un immense gaspillage, avec des gens qui achètent des maisons immenses avec beaucoup d'espaces dont ils n'ont pas besoin, qui nécessitent toutes sortes de chauffage et de climatisation, et qui forcent les gens à travailler de longues heures pour les payer. Au lieu de ça, nous pourrions avoir des maisons plus petites construites avec l'aide des voisins (pensez à la construction des fermes des Amish), pour que nous ayons besoin de beaucoup moins de ressources pour les construire et beaucoup moins d'endettement pour les posséder. Nous pourrions même avoir des maisons communautaires, si les gens veulent, même si ça ne serait pas obligatoire. Ceci permettrait le partage de ressources, et réduirais le coût de la vie pour tous les gens concernés.

J'aurais des bibliothèques pour tout. Tout comme les bibliothèques de vélos sont en plein essor, et que le partage de voiture devient plus courant dans les villes, et d'autres bibliothèques comme les bibliothèques d'outils deviennent connues du grand public, nous pourrions avoir des bibliothèques pour toutes sortes de ressources : ordinateurs, vêtements, mobilier, et même des maisons. Ça implique que les choses seraient beaucoup moins chères à utiliser, comme nous les partagerions, et qu'il y aurait aussi beaucoup moins de gaspillage.

J'aurais zéro publicité, et un consumérisme proche de zéro. Nous découragerions les gens d'aller faire du shopping et de payer pour des divertissements et d'essayer d'acheter toujours et encore plus juste pour impressionner les autres, et au lieu de ça, se concentrer sur les expériences, le partage et faire des choses ensemble — lire, créer, sortir se balader, cuisiner, jardiner, construire, réparer ensemble, ou être seul… mais pas acheter.

Le travail, la vie et les besoins de la communauté pourraient être réimaginés aussi — peut-être que nous formerions des équipes de bénévoles pour s'occuper de différentes choses. Par exemple, si les parkings ou les rues ont besoin d'être nettoyées, nous pourrions avoir des équipes pour ça, et tout le monde pourrait faire du bénévolat pour un certain nombre d'heures (pas obligatoires, mais vous vous sentiriez mal à l'aise si vous ne faisiez pas votre part). Tout pourrait être organisé de cette manière, bénévolement et démocratiquement : les lieux de travail, l'enseignement, la cuisine, la garde des petits enfants, tout ce que la communauté veut. Cela nécessiterais des communautés plus soudées, mais je pense que ça serait bien plus faisable sans voitures et avec des gens qui marchent et font du vélo, et font des choses ensemble comme des jardins communs et construire les maisons des voisins.

Un monde numérique

J'aurais du WiFi gratuit pour la communauté entière, pour que tout le monde puisse collaborer et avoir accès aux informations et à l'éducation. Les sites en ligne pourraient être utilisés pour organiser la communauté, mettre en avant les propositions et obtenir un consensus. Le WiFi serait payé par tout le monde, avec l'argent économisé sur la nourriture et ne pas avoir besoin de construire les infrastructures pour les voitures. Nous pourrions aussi éliminer le besoin pour un système de téléphonie, ainsi que du câble télé, ce qui aiderait aussi à payer pour le WiFi.

J'éliminerais le papier le plus possible. C'est un gaspillage d'arbres et prends beaucoup de places dans les bureaux et les maisons, et devient très souvent un déchet. Les livres, magasines, journaux, CDs, DVs deviennent tous numériques (comme ils le sont déjà). La paperasse devient numérique, et les fax sont enfin détruits 20 ans après après qu'il aient dûs être détruits. On élimine les imprimantes et on économise de l'argent. Nous avons seulement des petits carnets et calepins pour ceux qui aiment écrire et dessiner sur du papier.

Les résultats

Pensez-y : avec ces changements, nous aurions beaucoup moins de dépenses courantes, parce que le logement serait abordable, nous ne payerions par pour les voitures, la nourriture serait moins chère, l'école serait gratuite, d'autres choses seraient bon marché parce que nous aurions des bibliothèques pour tout. Nous ne serions pas des consommateurs, mais des constructeurs, créateurs et planteurs. Et donc, avec de si petites dépenses, nous pourrions travailler beaucoup moins pour gagner de quoi vivre.

Imaginez ceci : moins de dépenses veut dire moins de travail, ce qui veut dire plus de temps libre pour faire… tout ce que vous voulez. Pour passer du temps avec les amis, la famille, les enfants, les voisins. Pour être seul. Pour créer, communier avec la nature, pour être libre. Pour faire des choses intéressantes. Tout ce temps libre, loin d'être un poids pour la société, pourrait être très bénéfique, vu que les gens seraient plus heureux, auraient des vies de famille plus épanouies, créeraient des choses intéressantes, seraient moins enclins à commettre des crimes, et ainsi de suite. Je ne dis pas que ça créerais une utopie, mais je pense que ça aurait un effet positif. Ce serait, bien entendu, bien meilleur pour l'environnement et bien meilleur pour notre santé physique et mentale, et pour notre bonheur.

Retour à la réalité

OK, donc maintenant, vous vous dites, « Ouais ok, Leo, tu rêves » Et j'admets que c'est un rêve, mais la conversation doit bien commencer quelque part. Sur le plan pratique, nous n'aurions pas besoin de changer le monde entier, ou tout le pays ou toute notre culture. Juste une communauté, et ce pourrait en être une petite — une ville universitaire comme Austin ou Davis ou Eugene, ou un voisinage comme Nopa (à San Francisco). Cette communauté pourrait s'organiser et se réimaginer toute seule, et opérer un changement à la fois vers un futur plus positif.

Cette communauté, je pense, en inspirerais d'autres, et d'autre communautés pourraient se joindre au mouvement, tout comme Bogota a inspiré beaucoup d'autres endroits avec certaines de ses politiques progressistes. En montrant que ça peut être fait, et en partageant ce qu'elles ont appris, ces communautés en tant que précurseurs, paveraient le chemin pour les suivantes.

C'est un chemin que j'aimerais emprunter moi-même. Mais ne me faites pas dire ce que vous devez faire : réimaginez votre propre futur, et rejoignez la conversation.

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Lisez la deuxième partie de ce billet : la société réimaginée : comment en faire une réalité